À la recherche de Florence, mannequin chez Fath

De France Soir à Libération et du JDD à Paris-Match, toute la presse l’affirme : Marcelle Pichon fut mannequin vedette chez le couturier Jacques Fath dans les années 50, où son « nom d’artiste » était Florence.

Jaquette du DVD Scandale aux Champs-Élysées, de Roger Blanc, 1948. Dans ce film, Jacques Fath incarne un créateur de mode confronté à l’assassinat de deux mannequins. Certaines scènes furent tournées dans les locaux de la maison de couture Fath. De quoi donner un aperçu du lieu de travail de Marcelle Pichon et de sa vie de mannequin.

Jacques Fath devant l’entrée de sa maison de couture, avenue Pierre 1er de Serbie, Paris 8e (Life, 1952). Rival de Dior et Balmain, autodidacte revendiqué, Fath développa sa maison de couture pendant l’Occupation, faisant d’elle une entreprise prospère (voir aussi pastille 11). Son style audacieux, joyeux et emblématique du « chic parisien » le rendit célèbre après-guerre, jusqu’à sa mort prématurée d’une leucémie à l’âge de 43 ans, en 1954.

Créations de Jacques Fath, entre glamour et new look, du milieu des années 40 au milieu des années 50.

La fameuse robe « bleu-blanc des glaciers » que Jacques Fath créa pour Rita Hayworth à l’occasion de son mariage avec le prince Ali Khan à Vallauris, le 27 mai 1949. Marcelle / Florence ne pouvait donc pas la porter tandis qu’elle était enceinte, ainsi que l’écrit Alain Arnaud (voir pastille 37), puisqu’elle mit au monde ses deux fils en 1940 et 1943 (voir pastille 23). Ce serait donc pendant la période de l’Occupation – et non dans les années 50, comme l’affirme la presse – que Marcelle aurait été mannequin chez Fath. Ce qui est moins glamour qu’on pourrait le croire… (voir pastille 11)

D’ailleurs, parmi la cabine Fath en 1950, on ne trouve pas trace de Florence ni de Marcelle Pichon. (L’intransigeant, 24 novembre 1950)

Non plus dans la nouvelle cabine Fath, en 1954 (Elle, septembre 1953).

L’un des fameux bals costumés que Jacques Fath donnait chaque année dans son château de Corbeville, dans les Yvelines (Ici, le bal Blanc de 1951, avec Jacques Fath déguisé en comte d’Artois, sa femme Geneviève Fath (née Geneviève Boucher de La Bruyère) en Marie Antoinette et Léonor Fini en Mme de Pompadour).

Jacques Fath posant peu avant sa mort avec tous ses employés réunis dans la cour de son hôtel particulier de l’avenue Pierre 1er de Serbie, siège de sa maison de couture (mais toujours pas de Marcelle Pichon parmi les mannequins figurant au premier rang !).

Sous les paillettes, l’exploitation sociale : en juillet 1949, les couturières et les midinettes de la haute-couture se mirent massivement en grève pour des hausses de salaire et de meilleures conditions de travail.

Pendant la grève de juillet 1949, Jacques Fath n’hésita pas à faire appel à ses amies et clientes de la haute société pour coudre et piquer ses robes à la place des grévistes, afin d’assurer la sortie de sa collection automne-hiver.

Enterrement de Jacques Fath à l'église Saint-Pierre de Chaillot, à Paris 8e, en présence de 4 000 personnes (mais pas de Florence ni de Marcelle Pichon parmi les personnalités venues rendre un dernier hommage au couturier), Paris-Match, 20 novembre 1954.

La fameuse scène du faucon dans Portrait d’une enfant déchue, de Jerry Schatzberg (1970), avec Faye Dunaway dans le rôle d’Anne Saint-Marie, l’une des plus iconiques mannequins des années 50 qui, jugée trop vieille à l’âge de 30 ans, fut évincée du milieu de la mode, tomba en dépression et finit seule dans une petite maison de Long Island isolée du monde.

Trois livres de souvenirs des plus célèbres mannequins des années 50, contemporaines de Marcelle Pichon et égéries des plus grands couturiers de l’époque, dont Jacques Fath. Marcelle / Florence a donc pu croiser leur route. Lucky décéda à 41 ans d’un cancer généralisé ; Freddy avouait s’y perdre entre Marie-José Vassé (son véritable nom) et son personnage de top model ; Praline se tua à 31 ans sur la route de Lisieux en juin 1952.

Ainsi défilaient les mannequins lors d’un défilé Jacques Fath en 1956, juste après la mort du couturier, diffusé aux Actualités françaises (mais pas de Marcelle Pichon parmi les modèles). (Archives INA)
Comment sadiser une mannequin : le 28 janvier 1968, l’ORTF proposait, dans le cadre de l’émission Point Contrepoint, un reportage intitulé « 3 regards, une robe ». Soit trois réalisateurs (C. Chabrol, E. Luntz, A. Astruc) chargé de mettre en scène, chacun à sa façon, une robe (de Pierre Cardin) portée par une mannequin (Irène Tunc). Sauf que ce qui intéresse les trois cinéastes, ce n’est pas tant la robe (particulièrement sexy) que placer la femme qui la porte dans des situations, au mieux inconfortables, au pire humiliantes… (Archives INA)