Son nom de Florence

Que dit le prénom de « Florence » (mannequin chez Fath) de Marcelle Pichon (fille de coiffeur) ? Car on ne choisit pas un pseudonyme au hasard et pour son « nom d’artiste », Marcelle puisa-t-elle son inspiration dans… la série de vases baptisés « Florence » que le grand verrier art déco René Lalique créa en 1937 et diffusa ensuite largement, de façon luxueuse et onéreuse. Une façon ironique de dire qu’en tant que mannequin, c’était la robe qui comptait et non la fleur qu’elle contenait ?

Affiche du film Florence est folle, de Georges Lacombe, sorti sur les écrans en 1944. Soit l’histoire d’une femme (Lucile) qui, après un accident de voiture, se réveille persuadée qu’elle s’appelle Florence et qu’elle est une grande vedette de music-hall (et pourquoi pas mannequin vedette chez Fath ?). Son existence prend alors un tour débridé et festif… À l’époque, Marcelle vient d’avoir un deuxième enfant, la guerre est en passe de prendre fin et, dans son for intérieur, peut-être rêvait-elle soudain d’une vie plus libre et intense. Une vie de Florence. D’ailleurs, elle divorcera bientôt de Victor Baisse, son premier mari.

Ouvert en 1924 à Pigalle par Florence Embry Jones (première chanteuse afro-américaine à triompher à Paris), le cabaret Le Florence fit les délices nocturnes du tout-Paris mondain pendant les années 30 et 40. Dans le milieu de la mode, s’appeler Florence pouvait ainsi disposer favorablement en suggérant d’agréables souvenirs dansants et tamisés (comme si un top model des années 80 ou 90 s’appelait Michou, en référence au célèbre cabaret de la rue des Martyrs, Paris 18e). En plus, le patron du Florence s’appelait Victor, comme le premier mari de Marcelle…

Pendant l’Occupation, Le Florence se mit à l’heure allemande (ici, photo prise en 1942 ou 1943)…

… comme la totalité des nuits parisiennes, que ce soit à Montmartre, Montparnasse ou aux Champs-Élysées. À preuve le nombre de dancings, night-clubs et autres lieux « ouverts toute la nuit » (en raison du couvre-feu ?) où l’on pouvait s’amuser en plus ou moins bonne compagnie. (La Vie parisienne, 22 juillet 1942).

Contrairement à ce que prétendent certains historiens, la réouverture du Florence ne fit pas la une des quotidiens le jour de la rafle du Vel d’Hiv, les 16 et 17 juillet 1942 (voir pastille 33) : c’est six jours plus tard, dans son édition du 22 juillet 1942, qui plus est dans ses pages intérieures, que s’en fit l’écho La Vie parisienne, un hebdomadaire consacré aux arts et aux « mœurs élégantes ».