Le journal d’agonie de Marcelle Pichon

En septembre 1984, Marcelle Pichon a 64 ans et, après s’être enfermée dans son studio de la rue Championnet, elle commence à se laisser mourir de faim, tout en tenant le journal de son agonie. Pendant 45 jours, entre le 23 septembre et le 6 novembre 1984, elle écrit au stylo à bille noire dans un cahier d’écolier à spirales et à gros carreaux les effets de la privation de nourriture et la dégradation à la fois atroce et inexorable de son corps. Pourtant, elle va jusqu’au bout. Ce n’est que dix mois plus tard, le 22 août 1985, que son cadavre quasiment momifié est découvert, avec son journal à côté d’elle. Prévenus par les policiers arrivés sur les lieux, des journalistes n’hésitent pas à déchirer une page du journal afin de la publier dans leurs journaux, dont Paris-Match, dans son édition du 6 septembre 1985. Question : quelle valeur littéraire accorder à ce journal d’agonie ?

Par quel prodige Le Monde (en haut à gauche) et Le Parisien Libéré (en bas à gauche) rapportent-ils que Marcelle Pichon a écrit dans son journal que « pour un bol de bouillon, une tranche de melon, une orange, on vendrait son âme », alors qu’elle parle d’une tranche de « pastèque » et d’un « citron » ? C’est quoi le problème avec la pastèque et le citron ? (En revanche, aucun journal ne cite Marcelle lorsqu’elle écrit juste avant : « que la malédiction soit sur ce monde pourri ».)

Plus embêtant : Le Parisien Libéré est le seul à publier le fac similé d’un passage inédit du journal, dont l’article qui l’accompagne cite cette phrase : « comme toujours on ne sait jamais la vérité ». Or, il suffit de regarder ce que Marcelle a tracé de sa main pour s’apercevoir qu’elle a écrit « comme toujours, on ne dit jamais la vérité ». Ce qui n’a pas du tout le même sens, ni la même portée. C’est quoi le problème avec la vérité ? (voir aussi pastille 25)